Le potager de la nuit
Il l’appelle “le potager de la nuit”, parce qu’il vit constamment dans le noir.
Il y a une dizaine d’années, Eric perd la vue en quelques heures, suite à une maladie orpheline incurable.Il plonge alors dans une profonde dépression. “Il m’a fallu six mois pour me rendre compte que j’étais encore un être humain“. Il garde sa passion pour les plantes et commence petit à petit à s’occuper de son jardin. Il défriche un mètre carré à quatre pattes, puis un autre, place des ficelles et des sonnettes comme points de repère.
Aujourd’hui, Eric se déplace avec précision dans son “petit paradis” bio de 15 ares. Il s’y repère selon le type de sol: chemin en béton ou revêtement de copeaux. Il évalue les distances en comptant ses pas. Il utilise les tuteurs, les poteaux pour se guider: “Quand je touche le dernier poteau de la serre, le son est différent, je sais exactement où je suis“. Il s’oriente également grâce à l’odeur des plantes, en particulier celle des menthes: “Ici tu vois, à ma gauche, il y a de la menthe-fraise“. Plus étonnant encore, il me fixe droit dans les yeux quand je lui parle: “Ta voix te trahit, Virginie, je sais exactement où tu es….”
Il visualise toutes les plantes dans sa tête, depuis les légumes oubliés jusqu’à sa collection d’anciennes variétés de tomates, la spécialité du cercle horticole dont il est aujourd’hui responsable.
© Virginie Limbourg, Tangissart