Forêt de Guerre
La Grande Guerre a profondément marqué le paysage des anciennes zones de combats. Le conflit s’est très vite embourbé dans une guerre de tranchées concentrant les dégâts sur une surface non exploitable classée « zone rouge ». Plus d‘un milliard d’obus et de munitions chimiques ont été tirés. Dans les bois où les combats ont été les plus rudes, il ne reste à la fin de la guerre que très peu d’arbres vivants. A Verdun, le commandant Raynal écrit: «Les arbres, rares maintenant, n’ont plus une feuille; ils dressent lamentablement leurs fûts mutilés et roussis – et nous sommes à la fin mai : les Allemands ont supprimé le printemps».
Avec le temps, la « zone rouge » a été en partie reconquise par les producteurs agricoles. Sur ce sol massacré par les pluies d’obus et empoisonné à l’arsenic, la nature se réveille. Elle résiste. La mousse et le lierre recouvrent les tranchées. Les arbres blessés s’élèvent chaotiquement. L’écorce s’endurcit, recouvrant çà et là des cicatrices. Certains animaux et végétaux font également preuve d’une étonnante résilience. Les plantes aquatiques poussent dans les mares des trous d’obus. Les amphibiens et les libellules abondent en été. Les anciens abris allemands servent de refuge aux chauves-souris. Dans cet environnement pourtant hostile, une biodiversité apparaît et contre toute attente la nature se reconstruit.
Le paysage a gardé en mémoire la folie meurtrière. Dans le calme de la forêt stigmatisée on imagine aisément la violence des combats, le sifflement des balles et les bombardements. Aujourd’hui la forêt veille sur les âmes des soldats disparus et nous rappelle que des centaines de milliers de corps anonymes reposent encore sous ce sanctuaire naturel. Cent ans après.
©Virginie Limbourg